Fiction ou réalité

Fiction ou Réalité

 La télé-réalité est un genre nouveau, elle dit montrer que des individus ordinaires peuvent être des personnages intéressants : "votre voisin de palier peut vous étonner" déclare John De Mol, inventeur de Big Brother. Cependant, on peut s’interroger sur le côté "réel" de ce genre d'émissions. Ne nous montre-t-on pas une vie scénarisée  ?  

  • La télé-réalité, un format audio visuel scénarisé comme un autre.
D'après une professeure de l'école de
 psychologie de l'université de Laval : "
 L'actualité que nous montre la télévision
 constitue, elle aussi, un leurre puisqu'
il s'agit d'images choisies et orientées, qui
 sont des représentations d'un
 cameraman et le résultat d'un montage" 

     Les émissions de télé-réalité qui vivent sur nos écrans depuis plus de dix ans maintenant n'auraient été qu'une vaste entreprise de manipulation ? Les téléspectateurs qui pensaient regarder la vraie vie de vrais jeunes enfermés pendant plusieurs semaines, auraient-ils étaient abusés ? A l'heure actuelle, rares sont les téléspectateurs ne se doutant pas que toutes ces images sont le fruit d'un travail de montage.

      D'après le Monde : "quatre journalistes de la rédaction de Canal + ont rassemblé plusieurs témoignages, malgré la "clause de confidentialité" des participants, qui démontent pièce par pièce le système. [...] Une dizaine de jeunes comédiens ont "pré-joués" les rôles tenus plus tard à l'antenne par les "vrais" candidats. Une fiche de personnalité avait été préétablie pour chaque participant. [...] Une ancienne candidate indique que contrairement à ce qu'a longtemps prétendu M6 affichant le logo " en direct" sur ses images, celles-ci étaient toujours en différé pour éviter "les conversations gênantes pour la production et pour que le contenu soit "plus accrocheur", cela signifie que ce qui est montré à la télévision est un travail de montage, bien entendu, mais aussi de réalisation. En effet, les réalisateurs des émissions maquillent la réalité afin de la rendre comme ils le souhaitent et donc attrayante pour les spectateurs, et qu'elles créent le "ramdam" dans les médias. Il y a un scénario déjà écrit par la production, qui est destiné à plaire au public et lui donner ce qu'il souhaite.
       Pour cela  les candidats sont de véritables pantins de la production. Lors des auditions, un psychologue est sur place pour analyser les personnalités des participants, afin de voir lesquels sont les plus susceptibles de faire en sorte que telle ou telle situation se produise. La production encourage les candidats à être plutôt individualistes et à être en conflit. Pour prendre l'exemple de secret story une voix donne des ordres et des missions que les candidats doivent remplir. Le scénario va jusqu'à créer des amitiés, des couples ou des tensions entre les candidats. Certains cameramans avouent même que de l'alcool est donné aux candidats afin que ces derniers "se lâchent" et donc que la production ait des images plus attrayantes.

"Les images sont filmées comme un
 reportage mais nous les montons
 comme une fiction, en insistant sur les
 relations, leurs histoires d'amour
 naissantes et les conflits (...). Donc
 nous remodelons toutes ces images
 pour augmenter le suspens " Charlie PARSONS,
 producteur anglais du Survivor

          Cependant les montages permettent aussi d'avantager certains candidats, lorsqu'il s'agit de télé-crochet (comme Nouvelle Star) où c'est au public de choisir, certains candidats vont être bien plus mis en valeur par la production, au détriment d'autres. Les programmes font parler d'eux grâce aux scandales. En 2004, la Star académy trouve en Grégory Lemarchal une véritable "poule aux oeufs d'or", ce virtuose de la musique est alors atteint de mucoviscidose (maladie s'attaquant aux épithéliums des organes, les personnes en étant atteint vivent rarement plus de 20ans). Il remporte l'émission car l'image donnée de lui est celle d'un survivant à cette terrible maladie, on le voit luttant parfois contre sa fatigue. Il touche alors évidemment tous les téléspectateurs  Mais cet avantage donné à certains fait évidemment parler. Dans un article du canard enchaîné  la réputation de l'émission Pékin express est écornée, un journaliste accuse la production de "bien aider certains candidats et d'en empêcher d'autres d'avancer" (Pékin express est une course d'auto-stop dans de nombreux pays). Dans le même esprit de confession, le journaliste Philippe Bartherote a écrit un livre La tentation de l'île sur les coulisses de plusieurs émissions truquées, dans le but de dénoncer les fraudes faites par les productions.

         Tout ceci a des répercussions sur le jeu et amènera d'avantages de péripéties, donc sera favorable aux producteurs. Ils deviennent alors de véritables metteurs en scène. Quelle qu'en soit la forme, l'audiovisuel est donc le résultat d'un montage.

          De plus, la scénarisation est aussi visible grâce aux similitudes trouvées dans chaques émissions. Comme lors des prolepses et analepses faitent dans toutes les télé-réalité. En effet, à chaques début d'épisode le téléspectateur fait un saut dans le passé afin de revenir sur les faits marquants précédents puis à la fin de l'épisode un saut dans le futur, ce qui permet de tenir le téléspectateur en haleine, en lui promettant toujours mieux. C'est un système qui rappel exactement celui des séries -télé puisque l'histoire devient donc narrée. Tout comme les interview face caméra réalisées dans toutes les émissions, où le candidat va se rendre dans un confessionnal afin de partager ses ressentis de façon "intime" avec le public. Mais aussi toutes les péripéties créées par la production afin de ne pas rendre la retransmission de leurs vies sois-disant "réels" soporifiques. Sans oublier le générique  Ainsi tous ces stratagèmes sont mis en place afin de rendre le téléspectateur addict à ce genre d'émission.

      Mais nous pouvons également nous demander quelle est la place du candidat dans ce format ?


  • Candidats de télé-réalité : un rôle bien ficelé
   La mise en scène débute dès le  casting des candidats. Les producteurs opèrent un choix stratégique pour les sélectionner. Ils sélectionnent des candidats avec un certain caractère et une personnalité qui fera avancer l’action dans le jeu . Des clones de plus en plus caricaturaux apparaissent sur nos écrans, les candidats ont compris le filon et en jouent.

    Le stéréotype le plus récurrent de la télé-réalité est évidemment la bimbo. En France, c'est Loana qui a inauguré l'image de la candidate de télé-réalité,court vêtu et aguicheuse  Depuis, ses petites sœurs squattent l'écran : Sextape (capture vidéo de d'ébats sexuels destinés à un usage privé mais rendues publics), photos de charme, éventuel recyclage dans la pornographie, la voie est déjà toute tracée.
Une de ses descendantes les plus récentes est Nabila des anges de la télé-réalité 

Sa présentation ne montre, évidemment, qu'une fille superficielle qui cherche à "faire tourner la tête de tous les hommes". Avec ce personnage à la plastique chirurgicalement modifiée, la production assure des scènes "sexy" et donc une plus forte médiatisation et un plus fort audimat.

Ils faut évidemment trouver le personnage sexuellement opposé à cette barbie: Ken.
Il suffit de voir le portrait de Julien issus de l'mission les Marseillais à Miami :

   Tout comme la bimbo, prit pour son physique et pour ses scènes "sexy", le "Beau-Gosse macho" énervera et amusera les téléspectateurs, avec ses histoires d'une nuit et ses remarques sexistes. Cependant, il finira forcément avec la plus "bimbo" de toutes et deviendra alors un "gentil garçon" comme Léo Ebraz : exclu de secret story 3 pour violence, ce garçon ,qui évoquait " jeter les femmes après une utilisation  s'est mis en couple avec Emile Nafnaf (la gagnante de la saison) ou encore Thibaut, des Marseillais à Miami qui a trouvé le "grand amour" avec Shana (la strip-teaseuse), venue évidemment dans cette émission pour "s'amuser au maximum avec les américaines les plus sexy".


   De même, Steevy a ouvert une voie, véritables effigie du gay féminisé. Dernièrement Benoît, le garçon coiffeur de la maison des secrets, a remporté la victoire en poussant ce personnage au maximum. "Je suis une petite peste, une morveuse", explique-t-il dans son portrait, évidemment il parle de lui au féminin.


    Chaque nouvelle émission de télé-réalité apporte, en effet, un casting similaire. En plus des trois candidats-types présentés précédemment  on retrouve aussi l'intello, le doyen, l'étranger etc. De plus, le producteur apporte un miroir de la société où le téléspectateur moyen peut s'identifier aux candidats, la plupart étant issus de milieux modestes. D'ailleurs, Alexia Laroche JOUBERT, productrice des ch'tis à Ibiza et de ses variantes, augmente ce principe d'identification en ne prenant que des candidats d'une même région.

  D’après ces observations sur les différents candidats emblématiques des télé-réalité on peut en conclure que les candidats ne sont pas recherchés pour leur "vraie vie" mais pour ce qu'ils pourraient montrer à l'écran. Ce système marche d'autant plus que les participants, se sachant filmés, adoptent un comportement non naturel, plus proche de la fiction et espèrent ainsi  obtenir de meilleurs débouchées économiques ,grâce à leur passage devant la caméra.
« Faut arrêter de mentir : on vient
 travailler, chercher une exposition
 médiatique, gagner de l'argent
 facilement .» Elodie, tentatrice (l'île de
 la tentation)
 On peut alors se demander si on peut considérer ces candidats comme des acteurs et donc s'ils méritent une rémunération.

  • Candidats de télé-réalité : un métier ?
   Depuis mai 2003, l'avocat Jérémie Assous  fait trembler la télé-réalité. En 2009, il a obtenu la requalification en contrat de travail des conventions qui lient les participants aux producteurs de l'émission de télé-réalité L'Île de la tentation sur TF1.
  Quelle sorte de travail ?  Une relation de travail est caractérisée par une prestation de travail, et un lien de subordination. Les participants à l'Ile de la Tentation effectuaient une prestation de travail puisqu'ils : "avaient l'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu'ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu'ils étaient orientés dans l'analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production". Et qu'il existait un lien de subordination puisque "le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi".
Les producteurs, comme d'habiles metteurs en scène, ont donc parfois empêché les candidats de dormir quand ils le souhaitaient pendant le tournage, de parler à des personnes extérieurs, ils leur imposaient des activités, les faisaient redire certaines répliques pour les rendent plus crédibles. Le participant n'est donc pas loin d'être un acteur. 
« Le feu de camp, à l'antenne, c'était
 quelques minutes. Dans la réalité, c'était
 jusqu'à cinq heures d'enregistrement ».
 Anthony Brocheton, participant 

    C'est en effet ce que défend maître Assous : " ils contribuent au mêmes titres que les cameramans, de par leur prestation, à l'élaboration du format audio-visuel, dans ces conditions ils devraient avoir le statut qui correspond à leur prestation".
   Cette affaire a ouvert une brèche dans laquelle un torrent judiciaire s'est engouffré. Depuis quelques années, pas moins de 120 anciens candidats, lui ont confié la défense de leurs intérêts. Les demandes d'indemnisation vont de 150000 à 600000 euros, selon "la durée d'exploitation" durant laquelle les candidats estiment avoir "travaillé". Des procès se sont ainsi ouverts contre Endemol (producteur de Secret Story , de Loft Story , Star academy ), contre Adventure Line ( Koh Lanta ), contre W9, filiale de production de M6 ( Les colocataires , Pékin Express , Nouvelle Star )... 

  • CONCLUSION :
   Nous pouvons en conclure que, en rupture avec les codes habituels de la télé, la télé-réalité aurait dû ouvrir une nouvelle ère, montrer les entrailles de l'humain comme jamais, dévoiler le cœur du cœur de l'intime comme personne. Elle s'avère être une entreprise de spectacle comme les autres.